Introduction : le langage universel des flux financiers
Dans le monde des affaires, certains flux financiers ont une importance disproportionnée : les dividendes (la rémunération de l’actionnaire), les intérêts (la récompense du prêteur) et les redevances (la monétisation de l’innovation et de l’immatériel). Ces trois catégories de revenus représentent l’essentiel des transferts entre sociétés, investisseurs et entrepreneurs.
En France, ces revenus sont lourdement taxés. En revanche, aux Émirats arabes unis, ils bénéficient d’un environnement unique : zéro impôt sur le revenu des particuliers, zéro impôt sur les dividendes et redevances, zéro retenue à la source.
Mais lorsqu’un flux traverse les frontières, les choses se compliquent. Sans accord, chaque État pourrait prétendre imposer ces revenus, ce qui conduirait à une double taxation. C’est là qu’intervient la convention fiscale France–Émirats signée en 1989.
Cet article propose d’examiner en détail la fiscalité de ces flux, en analysant :
- Le texte de la convention.
- Les effets pratiques pour les particuliers et entreprises.
- Les pièges à éviter (substance, bénéficiaire effectif, requalification).
- Des exemples chiffrés comparant France et Dubaï.
- Des stratégies patrimoniales concrètes pour optimiser sa situation.
1. Les conventions fiscales : pourquoi elles sont vitales
Avant d’entrer dans le détail des dividendes, intérêts et redevances, il faut comprendre le rôle d’une convention fiscale internationale.
1.1 Éviter la double imposition
Sans convention, un dividende versé par une société française à un résident de Dubaï serait imposé deux fois :
- En France, au titre de retenue à la source.
- Aux Émirats, si un impôt local existait (ce qui n’est pas le cas).
La convention vient attribuer le droit d’imposition à un seul pays. Ici, dans la plupart des cas, il s’agit du pays de résidence du bénéficiaire (donc Dubaï).
1.2 Favoriser les échanges
Ces conventions sont aussi des outils diplomatiques. Elles rassurent les investisseurs, facilitent les flux de capitaux et encouragent la coopération économique.
1.3 La convention France–Émirats de 1989
Elle couvre :
- Les dividendes (article 8).
- Les intérêts (article 9).
- Les redevances (article 10).
Dans les trois cas, le principe est le même : imposition exclusive dans l’État de résidence du bénéficiaire effectif.
2. Les dividendes : rémunération de l’actionnaire
2.1 Définition
Le dividende est la part du bénéfice qu’une société verse à ses actionnaires. En France, il est taxé par défaut à 30 % (prélèvement forfaitaire unique).
2.2 Ce que dit la convention
Selon l’article 8, les dividendes versés par une société française à un résident des Émirats :
- Ne subissent pas de retenue à la source en France.
- Sont imposables uniquement aux Émirats.
Comme les Émirats n’imposent pas les dividendes, le résultat est une exonération totale.
2.3 Exemple pratique
Un investisseur détient une société française qui génère 1 million d’euros de dividendes.
- En France : flat tax = 300 000 € d’impôt.
- À Dubaï : 0 €.
Économie : 300 000 € par an.
2.4 Limites et vigilance
La France peut contester si le bénéficiaire effectif n’est pas réellement résident aux Émirats. Par exemple, un actionnaire qui se contente d’une boîte postale à Dubaï, sans activité réelle, risque une requalification.
3. Les intérêts : rémunérer le capital prêté
3.1 Définition
Les intérêts rémunèrent un capital prêté : obligations, prêts bancaires, prêts intragroupe.
3.2 Règles françaises sans convention
En France, les intérêts versés à un non-résident sont soumis à une retenue à la source de 12,8 %.
3.3 Ce que dit la convention
L’article 9 stipule que les intérêts sont imposables uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Résultat : pas de retenue à la source en France si le bénéficiaire est résident des Émirats.
3.4 Exemple pratique
Une holding à Dubaï prête 2 M€ à une filiale française à 5 %.
- Intérêts : 100 000 € par an.
- Sans convention : 12,8 % = 12 800 € d’impôt.
- Avec convention : 0 €.
Résultat : 100 000 € nets.
3.5 Risques
Comme pour les dividendes, l’administration française exige que le bénéficiaire soit l’entité réelle, et non une société écran.
4. Les redevances : monétiser l’immatériel
4.1 Définition
Les redevances (ou royalties) rémunèrent l’usage d’un bien immatériel : brevets, marques, logiciels, procédés industriels.
4.2 Sans convention
En France, les redevances payées à l’étranger sont soumises à une retenue de 33 %.
4.3 Avec la convention
L’article 10 prévoit que les redevances sont imposables uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Autrement dit, un résident de Dubaï qui facture des redevances à une société française ne paie rien en France.
4.4 Exemple
Un entrepreneur loge sa marque dans une société à Dubaï et facture 500 000 € de redevances à une filiale française.
- Sans convention : 33 % retenue = 165 000 €.
- Avec convention : 0 €.
Économie : 165 000 € par an.
5. Le bénéficiaire effectif : la clé du système
La convention protège uniquement le bénéficiaire effectif.
5.1 Définition
C’est la personne ou l’entité qui profite réellement du revenu.
5.2 Exemples de contestations
- Une société boîte aux lettres à Dubaï sans employés ni bureau : contestable.
- Une société holding qui détient plusieurs filiales, avec direction effective et substance locale : acceptable.
5.3 Substance exigée
- Bureau réel.
- Personnel local.
- Comptes audités.
- Justification d’une activité économique.
6. Les limites et risques
6.1 Risque de requalification
Si la société à Dubaï n’a pas de substance, la France peut rétablir la retenue à la source.
6.2 Risque d’abus de droit
La loi française prévoit la sanction de l’abus de droit fiscal pour tout montage ayant un but exclusivement fiscal.
6.3 Évolutions internationales
L’OCDE pousse pour limiter les stratégies trop agressives. Les règles pourraient se durcir à l’avenir.
7. Comparaisons internationales
7.1 Portugal (régime NHR)
Les dividendes étrangers pouvaient être exonérés, mais le régime a été supprimé en 2024 pour les nouveaux arrivants.
7.2 Singapour
Fiscalité faible sur les dividendes, mais exigences strictes en termes de substance.
7.3 Monaco
Pas d’impôt sur le revenu, mais certaines conventions fiscales ne prévoient pas d’exonération totale.
7.4 Conclusion comparative
Dubaï reste l’une des places les plus attractives au monde pour loger des flux financiers internationaux.
8. Stratégies d’optimisation
8.1 La holding de participation
Créer une holding à Dubaï permet de recevoir les dividendes de filiales françaises sans retenue.
8.2 La société de propriété intellectuelle
Loger les brevets et marques à Dubaï et facturer des redevances aux filiales européennes.
8.3 Le financement intragroupe
Structurer des prêts intragroupes pour faire remonter des intérêts vers Dubaï.
8.4 Exemple combiné
Un groupe français crée une holding à Dubaï :
- Les dividendes de la filiale française remontent sans impôt.
- Les brevets sont logés à Dubaï, les redevances remontent sans retenue.
- Les financements intragroupe permettent de remonter des intérêts nets.
Résultat : un groupe qui optimise légalement sa fiscalité tout en bénéficiant de la convention.
9. Études de cas chiffrées
Cas 1 : investisseur particulier
Un résident de Dubaï détient une société française qui distribue 500 000 € de dividendes.
- En France : flat tax 30 % = 150 000 €.
- À Dubaï : 0 €.
Économie : 150 000 €.
Cas 2 : royalties
Une marque rapporte 400 000 € de redevances annuelles depuis la France.
- Sans convention : 33 % retenue = 132 000 €.
- Avec convention : 0 €.
Économie : 132 000 €.
Cas 3 : financement intragroupe
Une société de Dubaï prête 2 M€ à une filiale française.
- Intérêts : 100 000 €.
- Sans convention : 12,8 % = 12 800 €.
- Avec convention : 0 €.
Économie : 12 800 €.
10. Dubaï, la plaque tournante des flux financiers
La fiscalité des dividendes, intérêts et redevances est au cœur de la stratégie d’expatriation et d’implantation à Dubaï. Grâce à la convention fiscale France–Émirats, ces revenus sont imposés uniquement aux Émirats, où le taux est… nul.
Pour un investisseur ou un entrepreneur français, cela ouvre des perspectives d’optimisation considérables. Mais l’avantage n’est réel que si l’installation à Dubaï est authentique, avec une résidence fiscale effective et une substance économique réelle.
Dubaï apparaît ainsi non pas comme un simple paradis fiscal, mais comme un hub stratégique, capable d’attirer les flux financiers mondiaux et de protéger les investisseurs grâce à son réseau de conventions fiscales.